Cette source YouTube présente une discussion entre des journalistes d'investigation de l'OCCRP, d'Investigate, et d'IrpiMedia, qui œuvrent mondialement contre le crime organisé et la corruption. Ils partagent leurs expériences et stratégies pour assurer leur sécurité face aux menaces légales, numériques et physiques. Le débat souligne l'importance d'une approche holistique de la sécurité, incluant la préparation aux procès stratégiques, la mise en place de protocoles de cybersécurité rigoureux et la prise en compte des risques sur le terrain. Des conseils pratiques sont offerts, allant de la gestion des communications à la surveillance et à la contre-surveillance. L'accent est mis sur la responsabilité des rédactions dans la protection de leurs journalistes et sur la nécessité d'une vigilance constante face aux dangers croissants du métier. L'initiative Reporter Shield est également mentionnée comme un soutien financier pour les journalistes confrontés à des poursuites judiciaires.
Vidéo complète
https://www.youtube.com/watch?v=ml8Ny4XCqTs
Voici une synthèse du débat mise à jour, présentant d'abord les intervenants puis une dizaine de points clés illustrés par des exemples et des citations :
Présentation des intervenants :
- Paul Radu est le cofondateur de l'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), un réseau de centres de journalisme d'investigation opérant sur six continents et couvrant la criminalité organisée et la corruption. Il modère la discussion.
- Pavla Holcova travaille pour investigate, un média d'investigation basé à Prague, en République tchèque, et couvre également la région d'Europe centrale et l'Amérique du Sud pour l'OCCRP.
- Cecilia Anesi représente IrpiMedia, un média d'investigation italien publié par le seul centre italien pour le journalisme d'investigation, Irpi, qui est membre du réseau européen OIS.
Points clés du débat :
- Les poursuites stratégiques contre la participation publique (SLAPP) sont une menace croissante pour les journalistes d'investigation. Paul Radu explique que l'OCCRP fait face à plus de 70 procès intentés par diverses parties, souvent des oligarques ou des figures du crime organisé, qui ciblent personnellement les journalistes pour les isoler et les intimider. Une citation illustrant cela : « Ces procès contre Creek sont tous intentés par des personnes liées au gouvernement serbe et sont considérés comme des SLAPP... Le but n'est pas de gagner, mais de harceler, d'intimider et de réduire les journalistes au silence. » (Paul Radu présente un exemple vidéo à ce sujet).
- La riposte judiciaire est une stratégie possible et parfois efficace. Pavla Holcova raconte comment elle a poursuivi en justice le Premier ministre tchèque pour des propos diffamatoires sur les réseaux sociaux et a finalement gagné, le forçant à publier des excuses pendant sept jours consécutifs. Sa citation : « J'ai riposté. J'ai poursuivi le Premier ministre tchèque qui répandait sur les réseaux sociaux des commentaires sur moi et mon travail... Et la deuxième instance a dit oui, il est coupable et il doit s'excuser. ».
- Le processus de découverte (discovery) dans les procédures judiciaires peut être dangereux pour les journalistes. Selon Paul Radu et les exemples discutés, les parties adverses peuvent obtenir un accès étendu aux communications et aux appareils électroniques des journalistes, cherchant des éléments pour discréditer leur travail ou identifier leurs sources. Paul Radu explique : « Mon équipe d'avocats aura accès à votre téléphone et à votre ordinateur, et dans votre téléphone et votre ordinateur, j'examinerai tous vos messages privés... et sur la base de ce seul message... je construirai mon procès contre vous parce que je dirai, vous savez, cette personne est partiale. » (présentant le point de vue d'une personne mal intentionnée).
- Maintenir une communication rigoureuse et cohérente est essentiel pour se protéger légalement. Paul Radu insiste sur l'importance d'éviter les propos excessifs ou personnels dans les communications, d'être constant dans l'utilisation des applications sécurisées et de ne pas donner prise à des accusations de mauvaise foi lors des procédures judiciaires. Il conseille : « Soyez très cohérent dans le sens où, lorsque vous supprimez vos communications... soyez cohérent avec cela. Si vous dites que vous allez utiliser des messages éphémères, faites-le toujours, afin que lorsque vous vous présentez devant le juge, il ne puisse pas argumenter : regardez, ils n'effacent ces messages qu'à cette date, car cela peut vous faire perdre l'affaire. ».
- La sécurité numérique doit être abordée de manière holistique, en considérant l'adversaire et les risques. Paul Radu souligne qu'il est crucial de comprendre qui sont les adversaires (par exemple, des services de renseignement comme le FSB) pour adapter le niveau de sécurité, tout en reconnaissant qu'une sécurité à 100% n'est jamais garantie. Il ajoute : « Vous devez comprendre qui est l'adversaire. Il est clair que si le FSB est votre ennemi, vos niveaux de sécurité doivent être... très, très élevés. ».
- Des mesures de sécurité physique de base, comme la sécurisation des bureaux et la vigilance, sont importantes. Pavla Holcova et Cecilia Anesi décrivent des pratiques comme ne pas laisser les ordinateurs au bureau la nuit, installer des caméras de surveillance et contrôler l'accès aux locaux. Pavla Holcova explique : « En termes réels, si je le dis cyniquement, c'est rendre plus coûteux l'effraction de votre bureau et l'installation de systèmes de surveillance. ». Cecilia Anesi ajoute que même des mesures simples comme vérifier ses rétroviseurs en voiture peuvent devenir une routine de sécurité importante.
- La mise à jour régulière des appareils et l'utilisation d'outils de sécurité sont cruciales en matière de sécurité numérique. Paul Radu recommande des pratiques comme redémarrer son téléphone quotidiennement, utiliser des VPN (surtout en voyage), des gestionnaires de mots de passe, l'authentification à double facteur (avec des clés UbiKey) et le chiffrement des communications. Il affirme concernant les VPN : « Je recommande toujours d'utiliser des VPN, surtout maintenant avec les vitesses d'Internet. Ce n'est pas une si grande nuisance d'utiliser un VPN, c'est en fait une bonne pratique. ».
- La protection des sources est une priorité absolue, impliquant parfois des rencontres sans appareils électroniques. Cecilia Anesi souligne l'importance de la protection des sources, expliquant que dans certains cas sensibles, la seule manière de garantir la sécurité est d'organiser des rencontres « interist » (sans appareils numériques). Elle précise : « Pour la protection des sources, nous faisons ce qu'en italien nous appelons 'interist', c'est-à-dire que vous vous déplacez sans appareils, et c'est vraiment la seule façon de protéger certaines de vos sources les plus sensibles. ».
- Les rédacteurs en chef ont une responsabilité cruciale dans la sécurité de leurs journalistes. Selon Cecilia Anesi et Paul Radu, les rédacteurs en chef doivent évaluer les risques, fournir un soutien adéquat et même retirer les journalistes des environnements dangereux si nécessaire. Paul Radu insiste : « Les rédacteurs sont responsables de la sécurité des journalistes, toujours. ».